Bonnevent-Velloreille

bonnevent-moyen

Les armoiries de Bonnevent-Velloreille, composition de Nicolas Vernot

Il y a quelques années, un héraldiste local avait fait parvenir des armoiries présentées comme celles de la commune, et se blasonnant : « d’azur, à une boucle d’or, tenant à quatre chaînes d’argent, mises en sautoir ». Ces armoiries étaient censées être parlantes, c’est à dire qu’elles étaient supposées établir un lien phonétique entre le nom du possesseur des armes et un élément de l’écu (exemple : la ville de Faucogney porte un faucon, et Orgelet trois épis d’orge). Pourtant, il est bien difficile de discerner un quelconque rapport entre le nom de la commune de Bonnevent-Velloreille et cet anneau relié à des chaînes.

En réalité, ces armoiries n’avaient rien d’authentique : il s’agissait tout bonnement de l’attribution quelque peu fantaisiste d’un écu photocopié dans un vieux manuel d’héraldique abondamment illustré, Le blason des armoiries de Hiérosme de Bara, publié pour la première fois à Lyon en 1581, et réédité à plusieurs reprises, jusqu’au XXe siècle. Les armoiries attribuées à la commune se trouvent dans la dixième partie, consacrée à des exemples particuliers de blasonnements, p. 133. Nulle part n’apparaît le nom de Bonnevent-Velloreille… Le village voisin de Le Cordonnet avait quant à lui reçu un écu tiré de la page 79, et guère mieux justifié.

Alors qu’elle s’apprêtait à célébrer en 2007 le bicentenaire de la réunion de Bonnevent et Velloreille en une seule entité, la commune ne pouvait guère envisager l’utilisation de ces armoiries sans fondement. C’est la raison pour laquelle j’ai composé pour la commune un nouveau projet, établi en liaison constante avec M. Georges Petiot, adjoint au maire qui s’est chargé, sur place, de compléter mon dossier et de recueillir l’avis des habitants.

Inaugurées à l’occasion des fêtes du bicentenaire de l’union des deux villages le 31 mai 2007 (elles furent apposées sur un char du défilé), ces armoiries ont été entérinées à l’unanimité par délibération du Conseil municipal quelques semaines plus tard, le 20 juin 2007.

Blasonnement

Tranché vivré d’or et de gueules, à la bande vivrée de l’un en l’autre, accompagnée en chef d’une hure de sanglier arrachée de sable défendue d’argent, et en pointe de deux gerbes d’or passées en sautoir liées ensemble d’argent, le tout posé en bande.

Symbolique

Les différents éléments des armoiries ont été soigneusement choisis afin d’évoquer avec exactitude l’identité de la commune.

1) de gueules à la bande vivrée d’or

Les armoiries des sires d’Oiselay ont servi de base à la composition, car le rôle de ces derniers fut déterminant dans la fondation et l’histoire tant de Bonnevent que de Velloreille.

En effet, ce furent les sires d’Oiselay qui donnèrent à l’abbaye de Baume des bois à Vauvenise pour que les moines y fondent un prieuré bénédictin, déjà présent en 1010, et dénommé alors Bénévent. Le prieur était seigneur primitif de la localité. Toutefois, le seigneur d’Oiselay s’était réservé la garde de la localité et probablement de l’abbaye, ce qui signifie qu’il était censé en protéger militairement les habitants (ce que le prieur, eu égard à sa condition d’ecclésiastique, ne pouvait faire). Ces derniers, en retour, devaient s’acquitter de taxes qui venaient s’ajouter à celles dues au prieur. D’après la tradition locale, la belle maison dite « La Tour », située rue de Vauvenise à Bonnevent et remontant au moins au XVIe siècle, aurait servi de pavillon de chasse aux Oiselay.

Le rôle des sires d’Oiselay fut également déterminant à Velloreille, puisque le village s’est formé autour de deux granges et de terres acensées en 1420 par Antoine d’Oiselay aux sieurs Gerbolet.

Enfin, le 19 novembre 1621, Ermenfroy François d’Oiselay conclut un traité avec les habitants de Bonnevent et de Velloreille : « ils ne formeront qu’une même communauté, jouiront des communaux l’un de l’autre et des mêmes franchises et libertés aux mêmes conditions ». Instituée commune indépendante en 1790, Velloreille fut à nouveau réunie à Bonnevent par décret du 31 mai 1807.

Les armoiries des sires d’Oiselay, de gueules à la bande vivrée d’or (sur fond rouge, une bande diagonale découpée en dents de scie jaune) se voient toujours au pied de la statue de Saint Blaise conservée dans l’église de Bonnevent. Elles ornaient également autrefois une curieuse plaque de cheminée provenant du prieuré, et vendue dans les années 1960; l’écu était placé entre un chevalier couvert de sa cotte de mailles et une dame presque nue.

Puisque les sires d’Oiselay ont présidé à la création, au développement et à l’union des deux villages, il était légitime que le rappel de leurs armes, toujours visibles dans la commune, servent de base aux armoiries communales. C’est pourquoi la bande vivrée et les émaux gueules et or ont déterminé l’organisation générale de l’écu.

2) Deux villages en une seule commune

L’écu est tranché (divisé diagonalement) en deux moitiés, l’une d’or, l’autre de gueules, pour indiquer que la commune est composée de deux villages distincts.

Les dents de scie montrent un assemblage parfait, soulignant la cohésion entre les deux localités.

Grâce au procédé héraldique « de l’un en l’autre », un peu de rouge vient sur le jaune, et un peu de jaune vient sur le rouge. Ainsi est souligné le fait que chaque village apporte quelque chose à l’autre.

Union, cohésion, complémentarité sont donc les valeurs exprimées ici.

Toutefois, Bonnevent et Velloreille conservent chacun leur personnalité propre, exprimée respectivement par une hure et deux gerbes.

3) La hure de Bonnevent

Bonnevent est représenté par une hure de sanglier. Pourquoi ? Lorsque les moines bénédictins s’installèrent à Vauvenise, ils décidèrent de baptiser leur prieuré Bénévent, du nom de la ville italienne où était né leur maître spirituel, saint Benoît. Avec le temps, le sens d’origine se perdit, et Bénévent devint peu à peu Bonnevent. Il est à noter que la localité de Bénévent-l’Abbaye, dans la Creuse, doit elle aussi son nom aux moines bénédictins qui s’y installèrent.

Depuis des siècles, le sanglier est l’emblème de Bénévent en Italie. D’après la légende, c’est le Grec Diomède, un des héros de la guerre de Troie, qui fonda la ville. Selon les uns, il aurait apporté un sanglier avec lui. Pour d’autres, il aurait délivré la région d’un sanglier dévastateur. Toujours est-il que le sanglier devint l’emblème de la cité, et qu’il prit place notamment dans ses armoiries, qui se blasonnent « écartelé de gueules et d’argent, au chef d’or chargé d’un sanglier passant de sable défendu d’argent, une ceinture de gueules nouée autour du ventre ».

Puisque Bonnevent tire son nom de Bénévent, il était légitime que les armoiries de la commune haut-saônoise s’inspirent de celles de son aînée italienne. De plus, le sanglier était particulièrement approprié pour évoquer une commune boisée, où le gibier n’est pas rare.

4) Les gerbes de Velloreille

Le choix des deux gerbes s’imposait pour Velloreille. En effet, de même que Bonnevent n’a rien à voir avec le vent, Velloreille n’a rien à voir avec les oreilles !

Le nom dérive probablement du bas-latin villula, diminutif de villa qui avait au Moyen Age le sens de « ferme », puis de « village ». Villula désigne donc un hameau, un petit groupe de fermes. Pour insister sur la petite taille du lieu, on a encore ajouté le suffixe « icula », que l’on retrouve dans le mot « minuscule » par exemple. Avec le temps, cette villulicula est devenue Veloreille.

Cette étymologie nous est confirmée par l’histoire : en effet, on sait que le village s’est formé autour de deux granges qu’Antoine d’Oiselay avait acensé en 1420 aux sieurs Gerbolet. Les gerbes rappellent donc à la fois le nom du village, les deux granges d’origine et le nom des premiers exploitants agricoles connus de Velloreille. Elles sont particulièrement adaptées pour souligner, jusqu’à aujourd’hui, la continuité rurale du village.

Sources

BARA (de), Hiérosme, Le blason des armoiries, Lyon, 1581, rééd. Paris, 1975.

SALSA, La Haute-Saône. Nouveau dictionnaire des communes, t. I, Vesoul, 1969, pp. 308-311.

TAVERDET, Gérard, Les noms de lieux de la Haute-Saône, Fontaine-lès-Dijon, 1987, p. 11.

Renseignements transmis par M. Georges PETIOT.