Auxon-Dessous (2006)

Les armoiries d'Auxon-Dessous, composition de Nicolas Vernot

Les armoiries d'Auxon-Dessous, composition de Nicolas Vernot

Situé à proximité de Besançon, le village d’Auxon-Dessous est sous les feux des projecteurs depuis que le site a été retenu pour accueillir la gare de TGV de Besançon. C’est d’ailleurs cette implantation qui est à l’origine du projet d’armoiries. Soucieux de ne pas ravaler sa commune au rang de simple zone de transit ferroviaire sans âme, le maire, M. Jacques Thiébaut, assisté de Mme Béatrice Pasquier, historienne locale, souhaitaient donner à la commune un emblème représentatif de l’identité du lieu, établi dans le respect de l’histoire et des règles de l’héraldique.

C’est autour d’une bonne table que nous avons déterminé ensemble, en mars 2006, les lignes directrices du projet. La maquette que j’ai proposée ensuite fut adoptée par le Conseil municipal le 11 septembre 2006. Les armoiries, présentées aux habitants dans le bulletin communal, ont également fourni le support d’une illumination de Noël originale.

BLASONNEMENT

Ecartelé : aux 1 et 4 tranché d’argent et de gueules à la rose de l’un en l’autre, au 2 d’azur au lion naissant d’or, au 3 aussi d’azur à trois épis rangés en fasce, les tiges jointes en pointe d’or, à la section de jante de roue de moulin avec ses trois augets de même, brochant en fasce sur les tiges.

Couronne murale représentant l’entrée du château du lieu, composée d’un portail ouvert accosté de deux pilastres, reliés à deux avant-murs par deux pans cintrés en quart de cercle, le tout surmonté d’une corniche, d’or maçonné de sable.

SYMBOLIQUE

Cette composition évoque à la fois le passé et le présent de la commune.

1. Souvenir des anciennes familles

Les armoiries communales s’inspirent notamment des écus de trois familles qui ont marqué l’histoire du village, les Auxon, les Buson et les Arvisenet.

Les Auxon

Le sort des deux Auxons - Dessus et Dessous - a été étroitement lié depuis la création des deux villages, parfois désignés collectivement par l’expression « Les Auxons ». Il n’est donc pas toujours aisé de distinguer ce qui relève de l’un ou de l’autre. Ainsi, au Moyen Age existait une famille de chevaliers portant le nom d’Auxon : Narduin d’Auxon est attesté en 1155. Sa postérité ne semble pas s’être prolongée au-delà du XIIIe siècle.

Après plus d’un siècle d’absence, le nom réapparaît : il est alors porté par une famille probablement distincte de la précédente, et qui s’illustra dans la gestion de la cité de Besançon à qui elle donna des cogouverneurs dès 1405. Sans doute son nom désignait-il tout simplement le village d’origine, et non la possession d’un fief. Cette seconde maison d’Auxon semble s’être éteinte à la fin du XVIe siècle, et c’est probablement à elle, plutôt qu’à la lignée chevaleresque mentionnée précédemment, qu’il faut attribuer l’écu suivant, donné par plusieurs armoriaux à une famille dite « d’Auxon » : d’azur à trois épis tigés d’or, mouvants d’une motte de même ; au chef d’or chargé d’une étoile de gueules accostée de deux demi-vols de sable. Comme souvent en héraldique, ce sont probablement des armoiries parlantes : les anciennes graphies d’Auxon montrent qu’autrefois, le [x] central se prononçait [s] (Asson villa en 1244, Assom en 1260, Osson, dit Ausson-le-Chemin, en 1311…). Au moment de se composer des armoiries, les membres de la famille d’Auxon se sont probablement laissés inspirer par la syllabe [son] qui clôturait leur nom, ce qui les a amené à choisir des épis pour emblème (le son enveloppant les grains).

Les armoiries de cette famille d’Auxon ont inspiré le troisième quartier de l’écu communal, avec ses trois épis d’or en champ d’azur placés dans la partie inférieure de l’écu : on obtient donc : Auxon (le son des épis) Dessous (situés dans le bas de l’écu).

Les Buson

La famille Buson tenait autrefois le haut du pavé à Besançon : en 1536, Antoine Buson, fils d’un riche marchand bisontin, arriva à la noblesse en étant élu cogouverneur de la ville, charge qu’occuperont ensuite ses fils et petits-fils. En 1609, Claude-Antoine Buson, de Besançon, acheta à Louis de Scey, seigneur de Chevroz, une portion de seigneurie à Auxon-Dessous. En 1612, il vit sa noblesse confirmée par l’empereur Mathias en reconnaissance des services rendus par lui et ses aïeux ; il était alors seigneur des Auxons, de Fontain et de Champdhivers. Négociateur et jurisconsulte, Claude-Antoine Buson fut député par la ville de Besançon auprès de l’archiduchesse Isabelle-Claire-Eugénie, gouvernante des Pays-Bas, puis nommé conseiller au parlement de Dole en 1630. Il est l’auteur d’un ouvrage défendant les Prétentions de l’archiduc Albert sur le Pays de Montbéliard, publié à Besançon en 1613.

Afin de se conformer à l’édit de 1696, plusieurs membres de la famille Buson procédèrent à l’enregistrement de leurs armoiries dans l’Armorial général, dont, en 1698, Joseph Buson seigneur d’Auxon-Dessus, et Françoise Jacquard, « veuve de Simon Buson, seigneur des Auxons ». Depuis au moins le XVIe siècle, les Buson portaient « parti d’argent et de gueules, à trois roses posées en bande de l’un en l’autre ».

Sur les armes communales, les Buson sont représentés par les deux roses de l’un en l’autre sur un champ de gueules et d’argent.

Les Arvisenet

La seigneurie d’Auxon passa à la famille Arvisenet par le mariage d’Anne-Françoise Buson avec Antoine François Arvisenet d’Auxanges, un juriste né à Dole en 1667. Le 20 décembre 1697, Antoine-François Arvisenet, seigneur d’Auxanges, conseiller au parlement de Besançon, fit lui aussi enregistrer ses armes à l’Armorial général : « d’azur à un lion d’or posant les pattes de derrière sur une terrasse de même, accompagné au canton senestre du chef d’un croissant d’argent, et adextré en pointe d’un mouton contourné aussy d’argent paissant sur la terrasse ». Ces armoiries avaient été accordées à son aïeul Claude Arvisenet par le roi Philippe IV d’Espagne en 1624. Plus tard, Antoine-François Arvisenet compléta ses armoiries en les flanquant de deux lions d’or à la tête contournée, lampassés de gueules, et en les timbrant d’une couronne de marquis. Ce titre lui avant été accordé par le roi de Sardaigne Victor-Amédée, puis confirmé par Louis XV en 1726. Antoine-François Arvisenet s’éteignit en 1755.

En 1777, c’est Joseph-Philippe-Prosper, marquis d’Arvisenet, et Antoine d’Arvisenet, chevalier de l’ordre de Saint-Maurice, qui possédaient la seigneurie.

Dans les armoiries communales, la famille d’Arvisenet est rappelée par le lion d’or sur azur, tiré de l’écu familial.

De l’union entre Anne-Françoise Buson et Antoine-François d’Arvisenet subsiste le magnifique retable dédié à la Sainte Trinité. Exécuté en 1705, il fut offert par le couple soucieux de doter la paroisse d’un retable digne de ce nom après le grand incendie de 1700 qui avait détruit une grande partie de l’église et du village. La présence des armoiries des deux donateurs en bas infirme la tradition selon laquelle le retable aurait été acheté dans le Haut-Doubs. Sur les armoiries communales, les épis, au nombre de trois, sont joints par la pointe : à la fois triple et un, ce bouquet d’épis évoque la Sainte Trinité sous le vocable de laquelle est placée l’église, et qui nous a valu ce magnifique retable.

Plus généralement, ce sont les familles Buson puis Arvisenet qui agrandirent et embellirent le château d’Auxon, aujourd’hui propriété de la commune. La contribution de ces deux familles à l’histoire et au patrimoine local méritait donc d’apparaître dans les armoiries d’Auxon-Dessous.

2. Aspects économiques

Toutefois, l’identité d’un village ne se limite pas au souvenir de ses anciens seigneurs. Ceux qui, par leur labeur, ont contribué au développement de la commune ne sont pas oubliés.

L’agriculture

Ainsi, les trois épis de blé du troisième quartier évoquent les générations de paysans qui ont contribué à conférer au village sa physionomie actuelle.

Toutefois, l’économie d’Auxon-Dessous, loin de se cantonner à l’agriculture, s’est diversifiée dès le Moyen Age, dynamisée par la proximité du marché urbain que représentait Besançon.

La meunerie

C’est ainsi que pendant des siècles, l’Audeux a fait tourner de nombreux moulins, mentionnés dès 1244. L’activité meunière fut telle que le cours d’eau fut dénommé localement « ruisseau des moulins ».  Le souvenir de cette activité économique est évoqué par la section de roue de moulin du troisième quartier.

La tuilerie

Les recherches de Béatrice Pasquier ont permis de faire remonter la présence d’une tuilerie à Auxon-Dessous dès 1392, ce qui en fait une des plus anciennes tuileries médiévales comtoises connue à ce jour. Cet établissement prit une importance telle qu’en 1593, le village est même désigné sous le nom d’ « Auxon-la-Tuilerie ». Sur l’écu communal, les triangles rouges derrière les roses découpent des silhouettes de toitures, rappelant ainsi la tuilerie.

3. Une identité préservée

Auxon est aujourd’hui un village comtois qui a conservé son cachet rural et sa qualité de vie : les trois épis comme les deux roses soulignent l’environnement rural préservé, tandis que le lion symbolise l’appartenance à la Franche-Comté.

4. La couronne

Les communes surmontent volontiers leurs armes d’une couronne murale qui les distingue ainsi des armoiries des particuliers. Nous avons opté pour une représentation de l’imposant portail en pierre de taille du château, grand ouvert comme symbole de bienvenue, à l’image d’un village qui a accueilli de nombreux arrivants depuis quelques décennies.

En résumé

Les roses : la famille Buson, l’environnement préservé.

Les découpes rouges : la tuilerie.

Le demi lion : la famille Arvisenet, la Franche-Comté.

Les épis de blé : la famille d’Auxon, l’agriculture, la Sainte Trinité.

La section de roue de moulin : les moulins sur le ruisseau.

La couronne : la municipalité, le château.

SOURCES

[Coll.] Le patrimoine des communes du Doubs, t. I, Paris, 2001, pp. 96-97.

BRUN, Denis, « Auxon-Dessous », Dictionnaire des Communes du département du Doubs, t. I, Besançon, 1982, pp. 187-191.

CARVALHO, Guilhermino, et KIND, Jean-Yves, Besançon 1290-1676. Dictionnaire des gouverneurs et des notables, Loray, 1994, pp. 65-68.

ESTAVOYER, Lyonel, et GAVIGNET, Jean-Pierre, Besançon, ses rues, des maisons. Guide historique et artistique, Besançon, 1982, pp. 86-87.

FOURQUET, Emile, Les hommes célèbres et les personnalités marquantes de Franche-Comté du IVe siècle à nos jours, Besançon, 1929, p. 99 (Claude-Antoine Buson) et p. 143 (Antoine-François d’Arvisenet).

GAUTHIER, Jules et Léon, Armorial de Franche-Comté, Paris, 1911, p. 52, n° 588 (Arvisenet) et n° 591 (d’Auxon), p. 60, n° 703 (Buson).

HOZIER (d’), Charles, Armorial général de France, recueil officiel dressé en vertu de l’édit de 1696, publié par Henry Bouchot, Franche-Comté, Dijon, 1875, p. 3, n° 24 (Antoine-François d’Arvisenet), p. 21, n° 231 (Joseph Buson) et n° 232 (Françoise Jacquard).

LURION (de), Roger, Nobiliaire de Franche-Comté, Besançon, 1890, pp. 31-33 (Arvisenet), 40-41 (d’Auxon) et 159-160 (Buson).

THIOU, Eric, Les seigneurs et le régime seigneurial en Franche-Comté de la Conquête à la Révolution (1678-1789), s.l., 1995, p. 214.

VERNOT, Nicolas, « La famille Arvisenet et ses armoiries », Haute-Saône SALSA n° 4, oct.-déc. 1991, pp. 106-107.

Informations transmises par Béatrice PASQUIER, spécialiste de l’histoire d’Auxon-Dessous.