Lantenne-Vertière (2012)

Les armoiries de Lantenne-Vertière, composition de Nicolas Vernot

Les armoiries de Lantenne-Vertière, composition de Nicolas Vernot

La commune de Lantenne-Vertière n’a jamais eu d’armoiries par le passé. Pourtant, ce ne sont pas les éléments qui manquaient pour évoquer le village ! Aussi, trois projets ont été imaginés par l’auteur de ces lignes. Celui qui a retenu le plus de suffrages, tant auprès du conseil municipal que de la population, constitue une riche synthèse de l’identité locale, associant passé et présent en une image héraldique puissamment évocatrice.

Blasonnement

Le blasonnement est la description en langage héraldique des figures et couleurs de l’écu.

Tiercé en chevron d’argent, de gueules et de sable, l’argent chargé de deux bannières carrées adossées, à dextre de sable à la croix d’argent, à senestre de gueules au sautoir écoté d’or, les hampes ferrées aussi d’or brochant sur le tiercé, au bouquet de trois épis de blé tigés et feuillés d’or, mouvant de la pointe, brochant sur le tiercé et les hampes.

Symbolique

Les armoiries de Lantenne-Vertière contiennent deux bannières frappées aux armes de deux familles nobles qui ont marqué l’histoire de la commune.

A la place d’honneur, la première bannière est aux armes de sires de Lantenne

Le village de Lantenne a donné son nom à une famille de chevaliers attestée dès la fin du XIIe siècle, avec Henri de Lantenne, témoin dans un traité passé en 1197 entre deux comtes, Estevenin d’Auxonne et Othon Ier de Bourgogne. Jacquet de Lantenne, écuyer de Jean de Chalon-Auxerre, en récompense des bons services rendus à ce seigneur voit, en 1295, les fiefs qu’il tient de lui à Rochefort, Châtenois et Faletans, transformés en héritage perpétuel. Au Moyen Age, les sires de Lantenne sont souvent titulaires de la gruerie du comté de Bourgogne, à l’instar de Hugues de Lantenne au XVe siècle.

D’autres membres de la famille furent bien plus turbulents : c’est ainsi qu’en 1281, Jacques de Lantenne, citoyen de Besançon, est l’un des meneurs de la sédition de la commune contre les sires de Chalon, dont la puissance est perçue comme une menace pour la cité bisontine. En 1306, il est le chef du mouvement populaire contre Jean de Chalon-Arlay, gouverneur, maire et vicomte, et l’archevêque Hugues de Chalon, enfants de Jean l’antique. Condamné à l’exil pour ses menées séditieuses, il testa en 1307.

Famille d’illustre noblesse, les Lantenne comptèrent pas moins de trois chevaliers de Saint-Georges, dont Elion de Lantenne, abbé de Lure et Murbach, prince du Saint-Empire (1440). La famille s’éteignit vers la fin du XVIe siècle. Ses armoiries étaient de sable à la croix d’argent.

La seconde bannière est aux armes des sires de Saint-Claude

Originaire de Savoie, la famille de Saint-Claude s’installe en Franche-Comté à la fin du XVe siècle. La présence du caveau familial à Courchapon laisse à penser que cette localité a pu être leur premier lieu d’accueil. En 1485, Louis de Saint-Claude, écuyer, acquiert des mains d’Henri d’Orsans un fief à Lantenne qui, désormais, portera son nom. Si la famille de Saint-Claude demeure sentimentalement attachée à Courchapon où elle continue à se faire inhumer, elle ne manque pas de se faire bâtir à Lantenne un manoir qui subsiste toujours, élégante demeure du XVIe siècle flanquée de deux tours rondes en poivrière.

Les armoiries de la famille de Saint-Claude étaient de gueules au sautoir écoté d’or (sur fond rouge, une croix en diagonale munie d’ergots, jaune) ; elles subsistent sur un vitrail remontant probablement au XVIe siècle en l’église de Courchapon, ainsi que sur une pierre sculptée surmontant le portail latéral de l’église de Villers-Buzon.

Pourquoi des bannières ?

Les armoiries des familles de Lantenne et de Saint-Claude sont posées sur des bannières, car cela correspond bien au caractère des chevaliers de Lantenne, combattants fougueux et meneurs de révoltes.

Des siècles plus tard, le curé de Lantenne, l’abbé Garneret, se fera à son tour le porte-drapeau des traditions comtoises.

Enfin, ces bannières sont également une allusion au surnom des habitants, les Bannos, dont le nom signifierait « porteurs de bannière ». Cette étymologie, fort douteuse, viendrait du fait que les habitants de la commune, autrefois très pieux, organisaient de nombreuses processions où étaient déployées leurs bannières religieuses. Les bannières représentées sur le blason sont chevaleresques, mais les croix qui les ornent pourront évoquer sinon cette hypothèse, du moins la foi des anciens.

Une terre source de richesses

Les armoiries sont également un hommage aux travailleurs de la terre, paysans et ouvriers tuiliers, qui ont façonné le village.

La tuilerie de Lantenne, fondée le 15 novembre 1663 par le duc Antoine d’Aumont, Maréchal de France et baron d’Étrabonne, serait la plus ancienne de France encore « en roulement ». Son importance dans l’histoire et l’économie locales est considérable.

Les armes de la famille d’Aumont étaient d’argent au chevron de gueules accompagné de sept merlettes de même, quatre en chef et trois en pointe mal ordonnées.

Ainsi, dans les armoiries de Lantenne-Vertière, le chevron de gueules évoque doublement la tuilerie, à la fois comme silhouette d’une toiture et comme figure tirée des armoiries de son fondateur, Antoine d’Aumont.

Terre de pâtures et de labours, le terroir de la commune est évoqué tant par le champ d’argent qui évoque la production laitière que par les trois épis de blé pour la céréaliculture.

Un triple héritage mis en lumière

Grâce à l’œuvre de l’abbé Garneret, Lantenne-Vertière a pris conscience de toute la richesse de sa culture traditionnelle à la fois rurale, chrétienne et comtoise. Ce blason correspond à la mise en image des trois éléments de cette riche culture :

- le monde paysan est mis à l’honneur par les trois épis d’or qui occupent le devant de l’écu ;

- la croix blanche sur la bannière de gauche évoque l’apport chrétien ;

- la croix de saint André sur la bannière de droite symbolise l’identité comtoise. En effet, le sautoir, appelé également croix de saint André, était un des emblèmes des Comtois qui marquaient ainsi leur attachement aux rois d’Espagne, successeurs des ducs de Bourgogne. En Franche-Comté, cette croix en X figure sur de très nombreuses plaques de cheminée, sur les bornes frontières, etc. Son contour peut-être droit ou, comme ici, écoté, c’est-à-dire représenté de manière à figurer, de manière stylisée, des branches émondées.

Sources

- [coll.] Dictionnaire des communes du département du Doubs, t. VI, Besançon, 1985, p. 1744-1748.

- Jean GARNERET, Un village comtois. Lantenne, ses coutumes, son patois, Paris, 1959.

- Jules et Léon GAUTHIER, Armorial de Franche-Comté, Paris, 1911.

- Roger de LURION, Nobiliaire de Franche-Comté, Besançon, 1890, p. 431-432.

- Jean-Tiburce de MESMAY, Dictionnaire historique, biographique et généalogique des anciennes familles de Franche-Comté, CD-Rom, Versailles, 2006, p. 824-826.

- Nicolas VERNOT, « Sentiment d’appartenance et loyautés dynastiques dans la Franche-Comté de Louis XIV : le témoignage emblématiques des plaques de cheminées et de l’Armorial général », dans Mémoires de la Société d’Emulation du Doubs, nouvelle série n° 44, 2002, p. 13-71.

- Idem., « Aux racines d’un emblème : les armoiries de Villers-Buzon », Barbizier. Revue régionale d’ethnologie franc-comtoise, nouvelle série n° 31, 2007, p. 105-114.

Renseignements recueillis auprès du Docteur Jacques VOINOT, que nous remercions.