Montmahoux (2006)

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Les armoiries de Montmahoux, composition de Nicolas Vernot

En l’état actuel de nos connaissances, la commune n’a jamais eu d’armoiries par le passé. C’est alors que je parcourais, sur Internet, le site consacré à la commune, que mon attention a été attirée par un écu présenté comme étant celui de la commune. Après examen, ce dernier se révélant faux, je suis entré en relation avec le responsable du site, M. Ludovic Gavignet. Il me semblait préjudiciable qu’une commune au passé aussi prestigieux que Montmahoux arbore des armoiries estropiées, alors même que ses habitants déploient de nombreux efforts pour faire connaître le village.

J’ai donc proposé à la commune un nouveau projet, dont les étapes successives ont été diffusées et discutées à Montmahoux, grâce au dynamisme de Monsieur Ludovic Gavignet qui, soit directement soit par le biais de son site internet, a fait la navette entre mes suggestions et l’avis de la population. Après plusieurs mois de discussion et de réflexion, les armoiries ont été adoptées à l’unanimité par délibération du Conseil municipal en date du 20 janvier 2006.

BLASONNEMENT

De gueules à la bande d’or, au mont de sinople chargé d’une clef d’or et sommé d’une tour donjonnée d’argent, l’ensemble brochant sur le tout, la tour ouverte et ajourée de gueules, la porte munie de deux vantaux ouverts d’or laissant sortir un loup passant d’argent brochant à dextre.

Devise : « Montmahoux, haut lieu des R’lavoux ».

SYMBOLIQUE

Aucun élément n’a été choisi au hasard : tous s’assemblent pour évoquer l’ « âme du lieu »…

1. De gueules à la bande d’or…

Les sires de Chalon sont à l’origine de la fondation de Montmahoux. En 1259, le puissant Jean de Chalon décide d’élever un château au sommet d’une butte en pain de sucre d’où on embrasse une vaste vue sur les environs, et notamment sur les plateaux d’Amancey et de Levier qu’il espère surveiller : c’est en effet en contrebas de Montmahoux que passe une des routes du sel, cet « or blanc » qui a fait de Salins la perle de la Franche-Comté médiévale…

L’année suivante, en 1260, Jean de Chalon fait bâtir une chapelle dans l’enceinte castrale, et invite ses vassaux à y édifier leur logis. Quelques années plus tard, en 1267, il accorde des franchises à son bourg de Montmahoux : afin d’y fixer la population, les habitants disposent désormais de certains privilèges. Toutes ces dispositions montrent que le but de Jean de Chalon n’était pas de créer seulement une forteresse, mais bien un véritable foyer de peuplement. Montmahoux devint aux siècles suivants le chef lieu d’une importante seigneurie dont dépendait une dizaine de villages aux alentours.

Créateurs, aménageurs et bienfaiteurs de Montmahoux, les sires de Chalon devaient prendre place sur les armoiries du village. A l’instar de Nozeroy depuis le XVIe siècle ou de Fontain plus récemment, les armes de Montmahoux ont donc pour fond les armes des sires de Chalon, de gueules à la bande d’or (sur fond rouge, une bande diagonale jaune ou dorée).

2. Le mont de sinople

Le nom de Montmahoux est attesté en 1259 sous la forme Monmaour, forme dérivée du latin Mons Major, signifiant le « Mont Majeur », c’est à dire le plus grand. C’est la présence de ce mont qui a déterminé l’installation des Chalon, puis le nom de leur nouveau château (désigné sous la forme Castrum Montis Majoris en 1272). Aujourd’hui encore, le mont constitue le haut lieu de la commune, dans tous les sens du terme :

  • haut lieu géographique d’abord, culminant à 827 m, et du haut duquel le regard embrasse un vaste  panorama bordé au nord par le plateau de Langres et les Vosges, à l’est par le Ballon d’Alsace et le Lomont, au sud par le Taureau, le Larmont et, au delà, la chaîne des Alpes et le Mont Blanc, à l’ouest enfin par les monts de Salins et le Poupet ;
  • haut lieu historique, en tant que site du château et du premier bourg ;
  • haut lieu patriotique, avec l’édification d’une stèle en hommage aux anciens combattants ;
  • haut lieu spirituel, avec l’érection en 1914 d’une croix ; pour les grandes occasions, l’abbé Gaston Vivot vient officier en haut de la butte ;
  • haut lieu associatif : ce n’est pas un hasard si une association d’animation locale a choisi pour nom « l’Asso du Mont »…
  • haut lieu touristique enfin, pour toutes les raisons qui viennent d’être évoquées : le site de Montmahoux, soigneusement mis en valeur, accueille plus de 1000 visiteurs par an.

Il était donc naturel de placer au centre de l’écu un mont dont la couleur de sinople (vert) souligne le caractère rural de la commune.

3. La tour donjonnée

Puissant au Moyen Age, le château ne se remit jamais vraiment des destructions perpétrées par les troupes de Louis XI à la fin du XVe siècle. Bien qu’il soit dit « dès longtemps en ruyne » en 1532, le château conserve alors d’imposants vestiges : une vue de la fin du XVIe siècle montre le Mont Mahoux hérissé de murailles et de tours. Même si le château est alors encore occupé militairement, les villageois quant à eux désertent les murailles croulantes, préférant rebâtir leur maison en un lieu plus accessible, en contrebas : une église, fondée en 1530, marque le cœur de la nouvelle agglomération. Le site du château est définitivement abandonné au XVIIe siècle : devenu carrière de pierre, il n’en subsiste presque plus rien aujourd’hui.

Sur les armoiries, l’ancienne forteresse est représentée par une tour donjonnée, c’est à dire surélevée d’une tourelle qui en accentue la hauteur, rappelant ainsi le belvédère qu’offrait hier le château, aujourd’hui le site du Mont Mahoux.

4. La clef d’or

Disparu du paysage, le château peuple encore le légendaire local : la tradition orale rapporte qu’un trésor serait enfoui dans une des galeries qui parcourrait la butte, ou encore qu’un souterrain relierait les fondations au château voisin de Sainte-Anne, lui aussi propriété des Chalon. Pour ajouter encore au mystère, il nous faut signaler autrefois l’existence, au château, d’une tour du diable, attestée dès 1468.

Ces légendes, auxquelles sont très attachés les habitants de Montmahoux, sont évoquées par la clef d’or, clef du trésor ou du souterrain peut-être, insaisissable clef des mystères sans doute ! Sa position sur la butte montre que si un trésor est peut-être enfoui dans les entrailles du mont, c’est peut-être tout simplement le mont lui-même qui est le plus grand des trésors de Montmahoux !

5. Le loup d’argent

Sa présence résulte de la volonté de ne pas s’en tenir exclusivement à une figuration des grands seigneurs, et d’évoquer les villageois proprement dit. Les habitants de Montmahoux sont surnommés les R’lavoux, ce qui en patois signifie les « Relaveurs ». Autrefois, les habitants des villageois environnants interpellaient les gens de Montmahoux ainsi :

Montmahou

R’lavou !

Le folkloriste Charles Beauquier propose deux explications à ce sobriquet. Il rappelle que le r’lavou peut désigner la planche sur laquelle les femmes lavaient le linge à la fontaine. Au figuré, r’lavou se dit d’un homme qui se lave, c’est à dire qui laisse son bien partir à l’eau, qui se ruine. Or beaucoup de villageois de Montmahoux étaient autrefois de condition très modeste : par conséquent, le surnom de R’lavous aurait servi à railler la pauvreté des villageois. Une autre explication complète celle de Beauquier : à l’origine, les R’lavoux seraient « ceux qui relavent dans les assiettes des autres ».

La deuxième explication proposée par Beauquier nous semble plus satisfaisante. Le r’lavou, (« relaveur ») est celui qui lave le beurre ou le fromage : ce serait donc un sobriquet lié à l’activité laitière du village. Or cette activité est bien attestée au village, dont elle permit un certain essor au XIXe siècle : en 1840, on édifia un chalet de fromagerie, dans lequel furent fabriqués pas moins de 25000 fromages dès la première année. En 1856, il y avait deux fromageries, regroupant 35 sociétaires et exportant à Lyon l’essentiel de leur production (2,3 tonnes de fromage). Pour étayer cette origine du surnom, notons que les habitants de Labergement-du-Navois interpellaient ceux de Montmahoux ainsi :

Montmahoux

R’lavous

Topés de battio (« couverts de batture »)

Crevés de laition (« crevés de petit lait »).

Les habitants de Déservillers, quant à eux, récriaient leurs voisins ainsi :

Montmahoux

R’lavous

Têtes de loup !

Si, autrefois, ces sobriquets étaient vécus comme de véritables insultes pouvant dégénérer en batailles dignes de la Guerre des boutons, tel n’est plus le cas : les habitants de Montmahoux assument aujourd’hui fièrement leur nom de R’lavoux.

C’est le qualificatif de « tête de loup » qui a été retenu pour inspirer la figuration des R’lavoux sur les armoiries du village. Animal mystérieux, le loup était autrefois très craint dans les campagnes : la menace qu’il représentait pour les troupeaux, son pelage noir et son regard mystérieux en faisaient un animal diabolique. Ici, c’est un loup blanc qui a été choisi : même s’il conserve son aspect énigmatique, son pelage interdit de faire de lui un animal maléfique, bien au contraire. Le blanc est en effet la couleur de la pureté et de l’innocence. C’est donc ici un loup purifié, blanc comme lait, « relavé » : un loup r’lavou, en somme.

Dépouillé de ses défauts, il devient symbole de courage et de ténacité, à l’image des habitants qui durent affronter des heures pénibles, notamment lors de la destruction de leur bourg à la fin du Moyen Age, ou encore à l’occasion du grand incendie de 1703 qui frappa le village neuf.

Ici, le loup est représenté sortant de la tour, pour montrer que les villageois ont quitté le château pour s’installer sur ses pentes. Sa sortie est également un signe d’accueil et d’ouverture sur les autres : Montmahoux veut se présenter comme un village sympathique et chaleureux, grand ouvert comme l’est la porte de la tour.

6. La devise

« MONTMAHOUX, HAUT LIEU DES R’LAVOUS », telle est la devise qui accompagne ces armoiries. Elle souligne le lien privilégié qui unit le village, la butte et ses habitants, tous trois uniques en un lieu unique. Elle facilitera l’identification des armoiries avec Montmahoux et les R’lavous.

SOURCES

Charles BEAUQUIER, Blason populaire de Franche-Comté, Paris, 1897, rééd. Rosheim, 1985, pp. 193-194.

André BOUVARD, « Le mouvement de désertion des peuplements castraux du Doubs (1450-1550) », La Franche-Comté à la charnière du Moyen Age et de la Renaissance 1450-1550, Besançon, 2003, p. 471-489, ici p. 477-478.

Jean COURTIEU, « Montmahoux », Dictionnaire des communes du département du Doubs, t. 4, Besançon, 1985, p. 2237-2241.

Gérard TAVERDET, Les noms de lieux du Doubs, Fontaine-lès-Dijon, 1990, p. 52.

Ainsi que le site Internet maintenu par Ludovic GAVIGNET, http://montmahoux.free.fr/